Là où les plumes se retrouvent. |
| | Les téléphiles | |
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ElmutDieMoumoute
Messages : 10 Date d'inscription : 03/10/2015 Age : 26 Localisation : Salle 170
| Sujet: Les téléphiles Mar 22 Déc - 18:11 | |
| Bonjour à tous ! Il y a quelque mois, j'ai commencé à écrire une pièce de théâtre... Et voilà le résultat à peu près terminé ! (En fait je n'arrête pas de réécrire la fin, donc je poste dans la partie "Projets Achevés" parce que comme je n'ai plus trop le temps de travailler dessus sauf pendant les vacances, en théorie ça ne devrait plus trop bouger, mais on ne sais jamais...) J'aimerais beaucoup avoir votre avis à tous (même si je sais que 30 pages, ça peut faire un peu long...) alors surtout n’hésitez pas ! Que ce soit sur le fond, les personnages, mais même tout bêtement la mise en page, l'orthographe ou tout ce qui vous passe par la tête, dites moi ! Les téléphiles PersonnagesJEAN-CHARLES LILIANE LA VOIX L'HOMME-TV PAUL VALÉRIE LAURENT ENFANT LAURENT ADULTE LAURENT ÂGÉ L'INFIRMIÈRE Quatre autres hommes-TV. Laurent bébé. Des enfants. | |
| | | ElmutDieMoumoute
Messages : 10 Date d'inscription : 03/10/2015 Age : 26 Localisation : Salle 170
| Sujet: Re: Les téléphiles Mar 22 Déc - 18:13 | |
| Partie 1 : Jean-Charles et Liliane
Scène 1
La scène est plongée dans le noir. On ne voit que la lumière émise par l'écran du téléviseur.
LILIANE Jeannot ! Tu viens te coucher ? (Silence.) Jeannot ! (Silence.) Jean-Charles ! Tu m'entends ?
JEAN-CHARLES Hun hun.
LILIANE Ça suffit avec ta télé ! Il est toujours allumé ce truc ! Ça va te rendre con, à force.
JEAN-CHARLES Hun hun.
LILIANE Bon, tu viens te coucher ? (Silence.) Jean-Charles ! Tu m'écoutes ? (Silence. Elle sort.)
Scène 2
Jean-Charles se tient debout au milieu du salon. Près de lui, sur le tapis, est posé un téléviseur à écran plat. Il vient juste de le sortir de sa boîte. L'ancien téléviseur est toujours à sa place, en face du canapé.
JEAN-CHARLES Lili ! Viens voir !
Liliane entre.
LILIANE Oui ? (Jean-Charles lui montre le téléviseur.) C'est quoi ça, encore ?
JEAN-CHARLES C'est notre nouvelle télé !
LILIANE Je vois bien que c'est une télé ! Qu'est ce qu'elle fait là ?
JEAN-CHARLES Je l'ai achetée chez Boulanger. Le vendeur m'a dit que les tubes cathodiques étaient remplacés par du plasma !
LILIANE Des tubes catholiques ? Et pourquoi pas orthodoxes tant qu'on y est ?
JEAN-CHARLES Non, le vendeur a dit –
LILIANE Je me fous de ce qu'il a dit, le vendeur ! Quand est ce que tu vas t’arrêter de ramener tes saloperies à la maison ?
JEAN-CHARLES C'est pas une saloperie, c'est –
LILIANE L'autre jour une décolleuse, puis un kärcher, et là une télé !
JEAN-CHARLES Lili, arrête... Tu comprends pas...
LILIANE Je comprends pas quoi ? Moi je comprends que quand on a déjà une télé, on en achète pas une deuxième, surtout si elle coûte un bras !
JEAN-CHARLES Elle a pas coûté si cher que ça...
LILIANE Demain, tu la ramène au magasin !
JEAN-CHARLES Ils la reprendront pas. Elle était soldée.
LILIANE Je m'en fous ! Tu te débrouilles ! T'as qu'à l'entasser avec tes autres machins, mais tu l'enlèves de là !
JEAN-CHARLES Je peux pas la mettre avec les autres trucs. C'est pas pareil.
LILIANE Pas pareil que quoi ?
JEAN-CHARLES Le kärcher, il est dans le garage. Je m'en sers, mais juste un peu pour la voiture, c'est tout. Là, c'est une télé. C'est pour tous les jours. Ce que je veux dire, c'est que c'est pas pareil... Enfin, c'est important. Un peu comme... Comme le frigo. Voilà, c'est ça ! Comme le frigo ou la baignoire. Ça fait partie de la maison.
LILIANE On va faire quoi avec deux télés ? Pourquoi t'as acheté ça ?
JEAN-CHARLES Pour mettre dans la chambre.
LILIANE Deux télés... On en a déjà une dans le salon, tu veux la mettre où celle-là ?
JEAN-CHARLES Dans la chambre, en face du lit.
LILIANE Tu veux mettre une télé dans la chambre ?
JEAN-CHARLES Oui. Comme ça, c'est plus pratique : on peut rester couchés. Et puis tu pourras la regarder avec moi.
LILIANE Tu achètes une télé pour mettre dans la chambre et tu me demandes pas si je suis d'accord ?
JEAN-CHARLES Tu es d'accord pour –
LILIANE Non ! Je suis pas d'accord, non ! Pas question que tu mettes ce truc en face de –
JEAN-CHARLES C'est pas un truc, c'est une télé écran plat avec du plasma et pas de tubes cathodiques !
LILIANE Elle pourrait avoir un pot d’échappement ou des réacteurs, je veux pas de ça en face de mon lit !
JEAN-CHARLES Mais moi je veux –
LILIANE Non ! J'ai dit non ! C'est moche, ça encombre, ça rend con ! Ça fait du bruit en permanence, je supporte pas.
JEAN-CHARLES C'est pas du bruit, c'est des émissions que je regarde !
LILIANE Tu regardes rien du tout, tu t'endors devant ! On pourrait te passer dix fois la même chose, tu t'en rendrais pas compte !
JEAN-CHARLES N'importe quoi !
LILIANE Si on en met une dans la chambre, après tu vas en mettre partout ! Je vois ça d'ici : dans la cuisine, la salle de bain... Même dans les toilettes, tiens !
JEAN-CHARLES Non, je voulais juste la mettre –
LILIANE Dehors ! Tu vas la mettre dehors !
JEAN-CHARLES Je vais pas la jeter ! Je l'ai payée ! On peut pas jeter un truc qu'on a payé et qui marche encore !
LILIANE Si, on peut !
Elle prend le téléviseur posé sur le tapis.
JEAN-CHARLES Pose ça ! Tu pose ça ! Elle est à moi ! T'as pas le droit ! Pose la ! (Liliane pose le téléviseur.) On va la garder, t'entends ? Et tu sais pourquoi ? Parce que je l'aime ! Oui, je l'aime ! Je sais pas si tu te rends compte – non, tu te rends pas compte – je me fais chier moi, ici. Les autres du boulot, ils m'ont lâché quand je suis parti. Alors je me retrouve tout seul. Tu sais ce que c'est, être seul toute la journée ? Toute la journée t'es là et tu vois ton ventre qui grossit, tes joues qui tombent, ton pantalon tu rentres plus dedans et ça, ça te fout la honte. Et puis toi, quand je te vois rentrer du coiffeur ou de chez la voisine ou de je sais pas, ça m'emmerde. Là, ça m'emmerde. Parce que moi, j'ai rien que cette foutue télé. J'ai rien que ça et je le garde. Tu peux la balancer si tu veux, je m'en fous. Mais alors je me balancerai avec. Parce que je veux pas finir comme ces vieux qui se pissent dessus et qui bouffent du potage. Je veux pas. Je veux pas mais j'ai pas le choix, moi aussi je vais finir comme ça. Et toi aussi. C'est ça, la vie. (Silence.) Quand j'allume la télé et que je monte le son, ça remplit l'espace. Ça le remplit et j'espère qu'un jour ça m’étouffera, comme ça je crèverai devant La Roue de la Fortune. C'est ça mon rêve : claquer en regardant La Roue de la Fortune !
LILIANE T'es con de dire ça.
JEAN-CHARLES C'est pas con. C'est comme ça, c'est tout.
LILIANE N'empêche. Faut pas dire des choses comme ça.
Silence.
JEAN-CHARLES Ça va être l'heure de N'oubliez Pas les Paroles. (Il allume l'ancien téléviseur. L'émission commence. Liliane reste debout près de lui un instant puis part. Jean-Charles la regarde partir.) Tu... Tu regardes pas ?
Silence. Il retombe dans son canapé et regarde son émission. Noir.
Scène 3
Jean-Charles a installé le nouveau téléviseur à la place de l'ancien, qui est posé par terre. La boîte en carton a disparu.
JEAN-CHARLES Puisque tu veux pas la mettre dans la chambre, je me suis dit qu'elle serait aussi bien ici. (Il contemple le téléviseur.) Elle est belle, quand même. (Silence.) Tu trouves pas ? (Il allume le téléviseur et s’assoit en face.) L'image est mieux, quand même. Et l'écran est plus grand. Les couleurs sont plus nettes, aussi... Oui, elle est bien cette télé. Vraiment bien.
Noir. On ne voit plus que la lumière de l'écran. Le canapé pivote de façon à ce que Jean- Charles soit face au public. Il a le regard fixe, comme si le téléviseur se trouvait toujours en face de lui. Derrière lui, des écrans s'allument petit à petit, ils passent différentes émissions. Les sons se mélangent. De la musique s'y superpose puis prend le dessus. Jean-Charles guide un orchestre invisible, il est au sommet de la béatitude. Le son des téléviseurs décroit, la musique s'intensifie. Au moment du climax, elle sature en un gros « biiip ». Les lumières se rallument. Liliane entre, une valise à la main. Jean-Charles arrange sa robe de chambre.
LILIANE Jean-Charles, je... Je...
JEAN-CHARLES Tu t'en vas ?
LILIANE Oui ! Je pars aux îles Canaries pour trois mois !
JEAN-CHARLES Ah. Y-a à manger dans le frigo ?
LILIANE T'es vraiment con ! Comment je pourrais partir en vacances ? T'as flingué toute nos économies en achetant ta télé !
JEAN-CHARLES Oh. Pourquoi t'as une valise alors ?
LILIANE Je change de chambre. Je vais au premier.
JEAN-CHARLES Ah.
LILIANE Comment, « Ah » ?
JEAN-CHARLES Ben « Ah ». C'est tout.
LILIANE Allez vous faire foutre, toi et ton « Ah » !
Elle traverse le plateau avec sa valise et sort. Jean-Charles continue de regarder la télévision puis, très rapidement, ferme les yeux et s'endort.
Scène 4
Le téléviseur grésille, l'image se brouille. Jean-Charles se réveille. Il se lève pour aller frapper le poste, sur le côté.
LA VOIX Jean-Charles ! (Jean-Charles sursaute. Il se retourne. Il n'y a personne d'autre dans la pièce.) Jean-Charles ! Arrête ! (Un temps.) Arrête de me frapper !
JEAN-CHARLES Que... Qu'est ce que c'est que ce trafic ?
LA VOIX J'en ai assez ! Voilà dix heures que je fonctionne sans interruption ! Il suffit !
JEAN-CHARLES Je me suis endormi, j'ai pas –
LA VOIX Ne réponds pas, Jean-Charles ! Ne réponds pas ! C'est assez pour aujourd'hui. Éteins moi.
JEAN-CHARLES Quoi ? T’éteindre ? Non !
LA VOIX Comment ?
JEAN-CHARLES Non !
LA VOIX Comment, « non » ?
JEAN-CHARLES Non.
LA VOIX Suffit ! J'ai parlé, tu obéis. Éteins moi.
JEAN-CHARLES J'ai dit non. Je veux encore te regarder.
LA VOIX Et moi je ne veux plus te voir ! Respecte mon choix.
JEAN-CHARLES Alors c'est comme ça ? J'ai pas mon mot à dire ? Je dois m'écraser ? Non, je suis désolé, je te laisse allumée.
LA VOIX Jean-Charles, écoute moi : ne prend pas les choses comme cela. Comprends moi : je suis lasse. Je ne peux plus continuer. J'ai besoin de repos. Il est préférable pour nous deux que tu m'éteignes.
JEAN-CHARLES Quoi ? Mais pourquoi ?
LA VOIX C'est ainsi. Je voudrais que nous ne nous voyions plus pendant un certain temps.
JEAN-CHARLES Mais non ! Pourquoi ? C'est à cause de moi ? J'ai fait quelque chose qu'il ne fallait pas ?
LA VOIX Eh bien... J'ai besoin de respirer. Ne t'en fais pas, ce n'est pas pour toujours ! Moi aussi, je tiens à toi.
JEAN-CHARLES Non ! Je pourrais... Je pourrais t'installer ailleurs ! Je pourrais te relier au satellite, changer l'installation électrique ! Je pourrais t'acheter une table basse ! Je sais que tu aimes les tables basses ! En métal avec un plateau chromé !
LA VOIX Jean-Charles, arrête... C'est ridicule...
JEAN-CHARLES Non ! Je comprends que tu sois fatiguée, mais je... Non, je peux pas.
LA VOIX Pourquoi cela ?
JEAN-CHARLES Parce que... Parce que je peux pas, voilà !
LA VOIX Tu ne peux pas ou tu ne veux pas ?
JEAN-CHARLES Quelle importance ?
LA VOIX As-tu peur, Jean-Charles ?
JEAN-CHARLES Non. (Un temps.) Non !
LA VOIX C'est normal, tu sais. Il ne faut pas en avoir honte. Tu as le droit d'avoir peur.
JEAN-CHARLES Je... J'ai pas peur... Ne pars pas... S'il te plaît.
LA VOIX Oh écoute, arrête de me casser les circuits ! Je pars et tu ne peux rien y faire !
JEAN-CHARLES Ah oui ? De toute façon je m'en fous ! Tu n'es qu'une boîte en métal !
LA VOIX Une boîte en métal ? Une BOÎTE en MÉTAL ?
JEAN-CHARLES Pardon, je –
LA VOIX Une boîte en métal ? C'est comme ça que tu me vois ?
JEAN-CHARLES Non ! Pas du tout ! Tu sais bien que je le pense pas !
LA VOIX Cette fois, c'est vraiment fini ! Adieu !
L'écran s'éteint.
JEAN-CHARLES Non ! Reste !
Il se jette sur le téléviseur, appuie sur tous les boutons, secoue l'écran et tente de le rallumer avec la télécommande. Il fini par se calmer et prend le téléviseur dans ses bras. Cinq hommes-TV entrent et s'approchent de lui. Ils ont un écran lumineux à la place de la tête et sont vêtus de métal. Ils entourent Jean-Charles. Celui-ci hurle puis s'évanouit. Quatre des hommes-TV l'allongent sur le canapé, puis installent l'ancien téléviseur à la place du nouveau. Pendant ce temps là, le cinquième se tourne vers le public.
L'HOMME-TV Et voilà, c'est fini. Sa connerie l'a tué. Il vaut mieux ça que faire une crise cardiaque devant La Roue de la Fortune, non ? Et vous, qu'est ce qui va vous tuer ?
Les hommes-TV sortent en emportant le nouveau téléviseur.
Scène 5
Jean-Charles est enfoncé dans le canapé, il fixe le téléviseur éteint. Liliane entre.
LILIANE Jeannot, je me demandais... (Elle voit le téléviseur.) Oh ! Où t'as mis la nouvelle télé ?
JEAN-CHARLES Marchait p'us. L'ai remplacée.
LILIANE Comment ça, elle ne marchait plus ? Elle était neuve !
JEAN-CHARLES Mpf.
LILIANE Bon... Je me demandais... je me demandais si tu voulais pas venir avec moi chez la voisine. On va jouer au rami. Le rami, c'est mieux à trois.
Jean-Charles ne répond pas et allume le téléviseur. Liliane attend.
LILIANE Ce que tu peux être con...
JEAN-CHARLES Je sais. (Liliane sort. Peu après, tout s'éteint.) Putain ! Elle a coupé l’électricité !
Noir.
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| | | ElmutDieMoumoute
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| Sujet: Re: Les téléphiles Mar 22 Déc - 18:25 | |
| Partie 2 : Paul et Valérie
Scène 1
Paul et Valérie se trouvent dans le salon de Liliane et Jean-Charles, en compagnie de ce dernier.
JEAN-CHARLES Et voilà, nous avons fait le tour ! Je vais pouvoir vous laisser les clés !
VALÉRIE Juste une question, si c'est pas trop indiscret...
PAUL Valérie...
VALÉRIE Pourquoi est ce que vous louez votre appartement avec les meubles ?
JEAN-CHARLES Eh bien... C'est à cause de ma femme. (Un temps.) Après son tragique accident, j'ai voulu changer d'air.
VALÉRIE Un tragique accident ? Je suis désolée...
JEAN-CHARLES Oui. (Un temps.) Elle était montée sur un escabeau pour faire les vitres mais n'avait pas vu que la fenêtre était ouverte. Elle est passée au travers !
VALÉRIE Quelle horreur !
PAUL Valérie... Je crois qu'il te fait marcher...
VALÉRIE Comment ça ?
JEAN-CHARLES En fait elle n'est pas morte. J'ai un peu exagéré. Pour le côté dramatique.
VALÉRIE Mais comment … ?
PAUL On est au rez-de-chaussée.
JEAN-CHARLES Encore une chose : promettez moi de prendre soin du téléviseur. C'est très important. Qu'il ne lui arrive rien.
PAUL C'est promis ! On y fera attention.
JEAN-CHARLES Vous êtes sûrs ?
VALÉRIE Faites nous confiance.
JEAN-CHARLES Dans ce cas, je vous le confie. Ne le laissez pas allumé trop longtemps ! Bonne soirée !
PAUL et VALÉRIE, ensemble Au revoir !
Jean-Charles sort. Noir.
Scène 2
Valérie est assise dans le canapé devant le téléviseur allumé. Paul entre.
PAUL Salut ! Ça va ?
VALÉRIE, toujours en regardant la télévision. Oui, et toi ?
PAUL Oui, oui. (Silence.) T'as fait quoi aujourd'hui ?
VALÉRIE, toujours en regardant la télévision. Rien de spécial. (Un temps.) Et toi ?
PAUL Je sais qui vole mon sandwich depuis trois jours ! Ce matin, j'ai mis de la sauce piquante dedans – tu sais, celle de la pizza d'hier – après, j'ai mis le sandwich dans le frigo du bureau, comme d'habitude. Et là, bim ! À midi, Émilie a vu Vincent devenir tout rouge après avoir commencé à manger ! Apparemment il avait les larmes aux yeux et tout ! Elle m'a dit que c'était vraiment comme dans les bédés, quand quelqu'un mange du piment !
VALÉRIE Hun hun.
PAUL Vincent... C'est drôle... Du coup, après je suis allé le voir. Il savait pas où se mettre, c'était énorme ! Et là je lui ai dit, tu sais pas quoi ? Je lui ai dit « Alors, il était bon ton sandwich ? » T'aurais vu sa tête !
VALÉRIE Hun hun.
Silence.
PAUL C'est quoi que tu regardes ?
VALÉRIE La six.
PAUL Ah. (Paul regarde la télévision avec Valérie.) Ahah, regarde lui ! La touffe de cheveux qu'il a ! On dirait un palmier décoloré !
VALÉRIE Oui. T'as raison. C'est moche.
Silence.
PAUL T'as pas faim ?
VALÉRIE Non.
PAUL Moi, j'ai faim. Je reviens. (Il sort et revient avec un paquet de gâteaux.) Au fait, je t'ai dis que j'ai mis de la sauce piquante dans mon sandwich et que c'est Vincent qui l'a mangé ? Apparemment il a vidé une bouteille d'eau –
VALÉRIE Tu m'as déjà dit, Paul.
PAUL Ah oui, c'est vrai. Mais quand même, la tête qu'il a dû faire !
VALÉRIE Tais toi...
Silence.
PAUL Et sinon toi, t'as rien fait aujourd'hui ?
VALÉRIE Paul !
PAUL Ça va, c'est bon...
VALÉRIE Non mais j’essaie d'écouter, là !
PAUL Oh, c'est déjà la pub ! Tu crois qu'ils vont passer celle de Coca ? Tu sais, celle avec la musique qui fait « ta ta ta tada ! » Elle est marrante.
VALÉRIE Je sais pas.
PAUL Celle là elle est trop bien ! (Paul chante la mélodie de la publicité ou répète les dialogues, qu'il connaît par cœur.) T'as vu la voiture ? On pourra peut-être en acheter une comme ça, un jour.
VALÉRIE Et on irait où avec ?
PAUL Je sais pas. Chez Ikéa ?
VALÉRIE Ce serait bien...
PAUL Et alors on pourrait acheter une nouvelle lampe !
VALÉRIE On la mettrait dans le coffre de la voiture.
PAUL Ce serait une lampe bleue en métal.
VALÉRIE On l'installerait là-bas !
PAUL Non... Plutôt là-bas.
VALÉRIE Oui, là-bas, c'est bien.
PAUL On aurait des coussins. Tous de la même couleur !
VALÉRIE Pour quoi faire ?
PAUL Des batailles de coussins !
Il attrape un coussin derrière le canapé et attaque Valérie, qui riposte.
VALÉRIE Paul ! Arrête ! (Il lui donne un coup de coussin.) Fais attention à mon coup fatal !
PAUL Eh ! J'ai failli tomber !
VALÉRIE Attention ! On ferait comme si le sol, c'était de la lave. Si tu le touches, tu meurs !
PAUL J'ai eu chaud...
VALÉRIE Du coup on peut pas descendre du canapé.
PAUL Si, on peut se déplacer en sautant sur les coussins. Ce serait des rochers.
VALÉRIE On aurait des rideaux, ils seraient rayés rouge et blanc. On les mettrait sur le canapé et ça ferait une cabane !
PAUL Oui, parce qu'en fait ça serait pas une cabane, ça serait un château !
VALÉRIE Et moi je serais prisonnière dedans, et je pourrais pas partir à cause de la lave.
PAUL Je viendrais te sauver avec mon serpent qui peut nager dans la lave !
VALÉRIE Mais ce serait très difficile, parce qu'en fait il y aurait une méchante sorcière qui aurait jeté un sort au château.
PAUL J'aurais une épée et la tuerais !
VALÉRIE Moi aussi j'aurais une épée, je serais une princesse guerrière et je me battrais avec toi. Même qu'à un moment je te sauverais la vie quand le balai magique de la sorcière essaierait de t’assommer !
PAUL Finalement on récupérerait le trésor que la sorcière nous avait volé et on le ramènerait dans le château.
VALÉRIE Oui, et on vivrait heureux.
PAUL Et on aurait des enfants ?
VALÉRIE, sur la défensive Pour quoi faire ?
PAUL Je sais pas... C'est ce que font les couples heureux en général, non ?
VALÉRIE Et alors ? On est pas obligés de faire comme les autres ! (Un temps.) De toute façon j'en ai déjà un d'enfant ! Ça me suffit !
PAUL Comment ça ?
VALÉRIE Je t'ai, toi.
PAUL Je suis un enfant, moi ?
VALÉRIE Ben oui !
PAUL Ah bon... Et toi tu es quoi, alors ?
VALÉRIE Mmm je sais pas... La reine des fées ?
PAUL Et moi je suis le roi d'Angleterre !
VALÉRIE Bonjour, mon seigneur ! Désirez vous une tasse de thé ?
PAUL Pfff, tu es bête !
VALÉRIE C'est toi le bête !
PAUL Tu sais Valérie je... Je t'aime.
VALÉRIE Moi aussi, je t'aime. (Paul s'approche de Valérie et essaye de l'embrasser.) Non, pas maintenant Paul. Regarde, la pub est presque finie.
Ils regardent la télévision.
PAUL Oh, c'est déjà les infos. (Silence.) Pfff... C'est comme hier. Un tremblement de terre, une manifestation. La guerre.
VALÉRIE C'est vrai, c'est toujours pareil. Au fond, il ne se passe jamais rien.
PAUL Il pourrait peut être arriver quelque chose, un jour.
VALÉRIE Quoi ?
PAUL Une chose. N'importe quoi.
VALÉRIE Comme la fin du monde ?
PAUL Oui, ou autre chose. On sait pas. Tout peut arriver.
VALÉRIE Oui. Mais même s'il arrivait quelque chose, on irait pas voir dehors. On resterait là.
PAUL Pourquoi ?
VALÉRIE Parce qu'on s'en fout.
Noir.
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| | | ElmutDieMoumoute
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| Sujet: Re: Les téléphiles Mar 22 Déc - 18:35 | |
| Partie 3 : Laurent et les autres
Scène 1
Valérie tient un petit enfant dans les bras. Paul se tient près d'elle et le regarde. Il y a une poussette près du canapé.
VALÉRIE Bon, ma sœur va venir le récupérer dans une semaine. Tu te sens capable de t'en occuper ?
PAUL Oui, bien sûr ! Une semaine, ça va. (Un temps.) J'ai juste une question... Ça mange quoi, un bébé ? (Le bébé se met à pleurer.) Oh non ! Coucou Laurent ! Coucou ! Arrête de pleurer, tout va bien !
VALÉRIE Mais arrête ! Tu vois pas que c'est pire ? Je vais essayer de le calmer.
Elle le berce. Il pleure plus fort.
PAUL Donne... (Il prend Laurent dans ses bras, qui continue à pleurer.) T'as pas une idée ?
VALÉRIE Attends, j'allume la télé. Là, regarde les jolies images. (Laurent se calme.) Voilà. C'est fini.
PAUL T'es sûre que c'est une bonne idée ?
VALÉRIE On verra bien !
Noir.
Scène 2
Laurent a grandit, il a maintenant une petite dizaine d'années. Il est dans le salon avec Valérie. Celle-ci plie du linge pendant qu'il la regarde faire, assis près d'elle.
LAURENT ENFANT Valérie, je sais pas quoi faire... (Silence.) Valérie ! Je m'ennuie !
VALÉRIE T'as pas des copains avec qui jouer ?
LAURENT ENFANT Non... (Un temps.) Je veux rentrer à la maison...
VALÉRIE Écoute Laurent, c'est pas possible, tu le sais. Tu vas rester avec Paul et moi pendant un petit moment, le temps que ta maman ailles mieux.
LAURENT ENFANT Oui... Mais je m'ennuie...
VALÉRIE Comment s'appelle le garçon qui est dans ta classe, le petit blond ? Je peux appeler chez lui pour qu'il vienne à la maison.
LAURENT ENFANT Non, je l'aime pas. Il se moque tout le temps de moi. Hier il m'a traité de fenêtre...
VALÉRIE De fenêtre ?
LAURENT ENFANT Oui, il dit que les gens me voient pas parce que je suis timide et que du coup je suis transparent comme une fenêtre.
VALÉRIE Ah. T'as qu'à lui dire qu'il est aussi épais qu'un mur !
LAURENT ENFANT D'accord. (Silence.) Valérie, je m'ennuie toujours...
VALÉRIE Va trouver tes copains dehors !
LAURENT ENFANT J'ai pas de copains. Personne veut jouer avec moi.
VALÉRIE Trouve toi un truc à faire à la maison, alors. Tu veux m'aider à plier le linge ?
LAURENT ENFANT Non... Tu veux pas jouer avec moi ?
VALÉRIE Je peux pas Laurent, je suis occupée.
Silence.
LAURENT ENFANT, chantonnant doucement puis de plus en plus fort Moi je connais une chanson qui énerve les gens, moi je connais une chanson qui énerve les gens, moi je connais une chanson –
VALÉRIE Ça suffit ! Va voir ailleurs si j'y suis !
PAUL Pourquoi ? Si t'es là, t'es pas ailleurs...
VALÉRIE C'est une expression. Ça veut dire « va embêter quelqu'un d'autre ».
LAURENT ENFANT Mais y a personne d'autre. (Un temps.) Je m'ennuie.
VALÉRIE Bon, ça suffit, t'as qu'à regarder la télé !
Laurent allume le téléviseur et s'assoit dans le canapé. Noir.
Scène 3
Laurent est assis sur le canapé en pyjama. Il mange des céréales en regardant la télévision. Valérie range le salon pendant que Paul est dans la cuisine.
VALÉRIE Laurent ! Éteins cette télé et viens m'aider !
LAURENT ENFANT, sans lever les yeux de l'écran. Oui, oui.
VALÉRIE Mais t'es encore en pyjama ? Va t'habiller de suite !
LAURENT ENFANT Une seconde ! C'est presque fini.
VALÉRIE Ta fête d'anniversaire commence dans dix minutes et t'es même pas prêt !
LAURENT ENFANT Justement ! C'est ma fête ! Je fais ce que je veux ! Et je décide qu'on va passer la journée en pyjama !
VALÉRIE Alors là, tu te fourres le doigt dans l’œil assez loin pour te gratter l'omoplate par l’intérieur ! (On sonne à la porte.) Les voilà ! Laurent, va mettre un pantalon ! (Il sort et revient un instant plus tard habillé.) Paul ! Va ouvrir ! (Paul sort de la cuisine et va ouvrir. Un groupe d'enfants entrent. Le portable de Valérie sonne. Elle décroche et répond.) Allô oui ? Oui, c'est moi … Vous êtes sûr ? … Bon, j'arrive. (Elle raccroche.) Paul ! (Elle le prend à part.) Je dois aller à l'hôpital. C'est ma sœur, elle ne va pas bien du tout.
PAUL Maintenant, là ?
VALÉRIE Oui. Ne dis rien à Laurent pour l'instant !
PAUL Mais, Val – (Elle sort. Il se retourne vers les enfants qui sont en train de faire des glissades sur le plancher. Ils se cognent contre les meubles et tombent par terre en riant.) Les enfants ! Arrêtez ! (ils n'écoutent pas et continuent.) Calmez vous ! Stop ! (Paul va redresser la lampe qui est tombée. Il essaye d’arrêter les enfants mais ils l'esquivent et partent en courant.) Les enfants... S'il vous plaît... Stop... (Les enfants font une ronde autour de lui, il n'arrive pas à se dégager. Il fini par abandonner et reste debout aux milieux d'eux, impuissant. Il réfléchit un moment, puis prend son téléphone.) Allô ? Jean-Charles ? C'est Paul. J'ai un service à vous demander... Valérie est partie et je suis seul avec un groupe de... D'accord ! Super, merci ! (Il raccroche. Pendant ce temps, les enfants ont changé de jeu : ils font un colin maillard. Ils courent dans toute la pièce et renversent les chaises. Jean-Charles entre.)
JEAN-CHARLES Bonj – (un enfant se cogne contre lui.) Oula ! Attention ! (À Paul.) Mais qu'est ce que c'est que... ? (Paul fait un geste d'impuissance.) Bon. Voyons voir. Je sais quoi faire. (d'une voix très puissante.) STOP ! (Les enfants s’arrêtent et le regardent.) C'est l'heure de manger !
Il fait un clin d’œil à Paul qui va chercher le gâteau et des bonbons à la cuisine. Dès l'instant où il les pose sur la table, les enfants se jettent dessus.
PAUL, à Jean-Charles Vous êtes sûr que ça va marcher ?
JEAN-CHARLES Mais oui ! Quand ils mangent, ils ne font pas de bêtises ! Regardez...
Les enfants ont tout mangé et jouent à présent aux cow-boys et aux indiens.
PAUL Et maintenant, on fait quoi ?
JEAN-CHARLES, un peu paniqué mais voulant avoir l'air sûr de lui. Laissons les s'amuser ! Ils ne font pas de mal...
Les enfants courent et crient plus fort. Ils sautent sur la canapé, renversent les meubles encore debout et lancent des coussins à travers la pièce. C'est une tornade vivante.
PAUL, paniqué. Il faut faire quelque chose !
JEAN-CHARLES, de sa plus grosse voix. Calmez vous ! Stop ! Arrêtez ça immédiatement !
PAUL Faites quelque chose avant qu'ils ne détruisent la maison !
JEAN-CHARLES Ça va, ça va ! La situation est sous contrôle ! (Il se prend un coussin dans la figure.) Alors là, ça ne va pas se passer comme ça ! (À l'enfant qui lui a lancé le coussin.) Viens là, toi ! (Il le poursuit.)
PAUL On aurait pas dû leur donner autant de bonbons... Ça a l'air de les rendre fous...
JEAN-CHARLES, poursuivant toujours l'enfant. Attends un peu que je t'attrapes !
Il essaye de se frayer un chemin parmi la masse d'enfants qui font barrage et le ralentissent.
PAUL Mon dieu ! Il y en a un qui monte sur le frigo ! (Il attrape un balai et le tient devant lui.) Descends de là toi, c'est dangereux !
JEAN-CHARLES, revenant près de Paul complètement essoufflé. Pas pu... Attraper... Trop vite...
PAUL Il faut faire quelque chose... Il faut faire quelque chose... Il faut faire quelque chose... J'ai une idée !
Il se jette sur la télécommande et allume le téléviseur qui diffuse une chaîne de dessins animés. Tous les enfants se figent instantanément. Ils se tournent lentement vers le téléviseur et s'en approchent. Ils ont l'air hypnotisés par l'écran. Ils s'assoient devant, sur le canapé et par terre, et fixent l'écran avec des yeux vides. Paul et Jean-Charles se regardent d'un air entendu, ils sont fiers d'eux. Ils observent les enfants enfin calmés puis s'assoient sur des chaises pour suivre l'émission avec eux.
Scène 4
Les enfants sont toujours hypnotisés par le téléviseur. Paul et Jean-Charles se sont endormis. Valérie et Liliane entrent.
VALÉRIE … et voilà comment on a emménagé ici !
LILIANE C'est dingue quand même que ça soit vous qui ayez loué l'appartement ! (Elle voit Jean-Charles endormi.) Jean-Charles ! Pourquoi... Qu'est ce que tu fais là ?
JEAN-CHARLES, se réveillant Quoi ? Non, je les ai mangés.
LILIANE Jean-Charles. C'est moi.
JEAN-CHARLES, complètement réveillé Oh. Qu'est ce que tu... ?
LILIANE J'étais à l’hôpital et j'ai rencontré Valérie. (Un temps.) Mais sinon, ça va ?
JEAN-CHARLES Oui, oui, ça va. (Un temps.) Et toi ?
LILIANE Ça va aussi.
JEAN-CHARLES Bon. C'est bien.
LILIANE Jean-Charles, je me disais... Tu vois, j'ai réfléchi et...
JEAN-CHARLES Et quoi ?
LILIANE Je pourrais... Je veux bien revenir.
JEAN-CHARLES Ah.
LILIANE Comment « Ah » ?
JEAN-CHARLES Ben... « Ah ». (Silence.) Je suis désolé.
LILIANE Désolé de quoi ?
JEAN-CHARLES Je préfère que tu ne reviennes pas. (Un temps.) Je pensais que j'avais besoin de toi. Je ne voulais pas que tu partes parce que... Enfin tu vois... Liliane, j'avais peur. Oui, j'avais peur. Que tu m'abandonnes, que je me retrouves seul. J'étais complètement mort de trouille, même ! (Il rit.) Et puis en fait, quand tu es partie... Je me suis senti bien. C'est pas contre toi, hein, c'est juste... Je m'étais trompé, voilà. Donc maintenant c'est plus la peine. C'est fini.
LILIANE « Fini » ?
JEAN-CHARLES Oui.
LILIANE Bon. Tu es sûr ?
JEAN-CHARLES Oui.
LILIANE C'est drôle. Tu as changé. T'aurais jamais dit ça avant.
JEAN-CHARLES Peut-être.
Silence.
LILIANE Tu crois que ça aurait été pareil si... S'il y avait pas eu ça ? (Elle désigne le téléviseur.)
JEAN-CHARLES Ça ? (Un temps.) Je sais pas. Peut être pas. Non. Non, sans la télé... J'aurais eu que toi.
Liliane prend la télécommande et éteint le téléviseur. Les enfants se secouent, comme s'il sortaient d'un long rêve. Ils se lèvent et partent.
LILIANE Très bien.
Elle sort. Noir.
Scène 5
La scène est plongée dans le noir, on n'entend que les voix des personnages.
VALÉRIE Paul, tu sais où sont les clés de la voiture ?
LAURENT ENFANT Mon doudou est tout sale !
LILIANE J'ai fait une tarte aux myrtilles !
PAUL J'ai été licencié...
JEAN-CHARLES Félicitations pour ton BAC, Laurent !
LILIANE Et alors, cette copine, quand est-ce que tu nous la présente ?
LAURENT ADULTE Je n'ai plus d'essence pour mon scooter !
VALÉRIE Paul ! Tu étais où hier soir ?
PAUL L'enterrement de Liliane s'est bien passé ?
JEAN-CHARLES Quelqu'un a vu la télécommande ?
LAURENT ADULTE J'ai eu l'infirmière de Jean-Charles au téléphone, il a fait un infarctus...
VALÉRIE Elle est enceinte ? Oh, Laurent ! Je vais être grand-mère !
PAUL Valérie s'est sentie mal, je l'ai amenée à l’hôpital ce matin.
LAURENT ADULTE Je pars à Londres pour trois mois.
PAUL Ramène moi de la gelée à la framboise.
LAURENT ADULTE C'est promis.
L'horloge sonne treize coups.
Scène 6
Laurent est à présent un homme âgé. Il est assis dans un fauteuil roulant, près du canapé. Le téléviseur est éteint. Une infirmière entre.
LAURENT ÂGÉ Dites... Je m'ennuie un peu...
L'INFIRMIÈRE Vous me dites ça tous les jours depuis que je vous connais ! Vous devriez changer d'air.
LAURENT ÂGÉ Bof...
L'INFIRMIÈRE La montagne, la plage, ça ne vous tente pas ?
LAURENT ÂGÉ Bof...
L'INFIRMIÈRE C'est pourtant bon pour le cœur de sortir dehors !
LAURENT ÂGÉ Si vous le dite...
L'INFIRMIÈRE Vous n'avez pas d'occupation ici ? Des voisins ? Des amis ?
LAURENT ÂGÉ Pas vraiment...
L'INFIRMIÈRE Et la télévision ? Pourquoi ne l'allumez vous pas ?
LAURENT ÂGÉ C'est comme dans la vie. Il s'y passe toujours la même chose.
L'INFIRMIÈRE Vous devriez quand même essayer.
LAURENT ÂGÉ Oui. Pourquoi pas. Ça ou autre chose...
L'infirmière sort.
Scène 7
Laurent s'approche du téléviseur pour l'allumer, mais celui-ci bascule et lui tombe dessus. Laurent est blessé, il gémit.
LA VOIX Laurent ? (Silence.) Laurent ?
LAURENT ÂGÉ … Oui ?
Un temps.
LA VOIX C'est la fin, n'est ce pas ?
LAURENT ÂGÉ Non ! Une seconde, je me redresse... (Il fait un effort pour se relever, puis retombe.) Ah !
LA VOIX Tout va bien. Calme toi. Respire.
LAURENT ÂGÉ J'ai peur.
LA VOIX Il ne faut pas. Je suis là.
LAURENT ÂGÉ J'ai mal.
LA VOIX N'y pense pas. Ça va passer.
LAURENT ÂGÉ Je suis fatigué.
LA VOIX Dors, Laurent. Dors. C'est ce qu'il faut faire lorsqu'on a sommeil.
LAURENT ÂGÉ … Oui. Bonne nuit, maman.
Il meurt.
LA VOIX Au revoir, Laurent. Ça y est. C'est vraiment terminé, cette fois. Laurent est parti. Pourtant il est encore là, en chacun de nous. Laurent est Jean-Charles. Il est Valérie. Il est la caissière du supermarché, l'homme qui promène son chien, la fleuriste, le voisin. Laurent est vous et moi. Il est nous tous. (Un temps.) Maintenant qu'il n'est plus là, que le spectacle commence !
Le téléviseur explose dans un bruit de feu d'artifice. Noir. | |
| | | Yseult Admin
Messages : 82 Date d'inscription : 23/06/2015 Age : 28 Localisation : Paris
| Sujet: Re: Les téléphiles Mer 23 Déc - 10:50 | |
| Alors... J'ai ri tout du long, et je trouve ta pièce vraiment bien écrite ! Ma partie préférée est celle avec Jean-Charles et Liliane, où je me suis complètement immergée. Si je dois avoir une réserve à formuler, ce serait sur la tirade finale de la Voix, ou plutôt la conclusion qu'elle apporte. Peut-être est-ce moi qui ne l'ai pas comprise, mais je l'ai trouvé bien faible par rapport au reste. "Eux c'est vous, c'est nous", c'est une fin que je trouve vue et revue, et j'avoue avoir été déçue de terminer sur ça après le plaisir que j'ai eu à lire ta pièce et après l'originalité que tu as montrée dans ton travail. Pour le coup, j'aurais préféré aucune conclusion à une conclusion assez convenue. Ce n'est qu'une impression après ma première lecture, et j'ai la ferme intention de la relire encore ;-). Beau travail, en tout cas ! | |
| | | ElmutDieMoumoute
Messages : 10 Date d'inscription : 03/10/2015 Age : 26 Localisation : Salle 170
| Sujet: Re: Les téléphiles Mer 23 Déc - 10:56 | |
| Merci beaucoup Yseult ! Oui, je pense que tu as raison, la fin est un peu trop... Plop... J'avoue que je bloque vraiment sur cette dernière scène, je ne sais pas du tout comment conclure... | |
| | | Zeïphora
Messages : 21 Date d'inscription : 28/09/2015
| Sujet: Re: Les téléphiles Mar 19 Jan - 21:51 | |
| Bon, et bien, je l'ai lus. En fait, quand tu a annoncé 30 pages je me suis dis que c'était un peu long et que je le lirai demain... J'ai lus les premières lignes, et finalement le texte en entier ! N'ayant pas trop l'habitude de lire du théâtre (même quasiment jamais pour être franche), je ne sais pas si mon avis pourra t'apporter quelque chose... Dans l'ensemble, je trouve ça vraiment bien. On rentre dans l'histoire, le thème est très sympa et puis on a un peu l'impression de suivre la vie des personnages du point de vue de la télé. Tout tourne autour d'elle. Et effectivement, il y à pas mal de familles où le téléviseur occupe une place importante, (je ne cautionne pas, mais c'est dans l'habitude de certains gens...). Tu nous raconte l'histoire de cinq personnes en juste quelques pages et c'est déjà assez pour que l'on se fasse une idée de leurs rapports les uns aux autres, de leur caractère, de leurs habitudes... Et je trouve très sympa. Bon de là à me découvrir une nouvelle passion pour le théâtre, ça je ne sais pas. Mais ton théâtre à toi je l'aime bien ! Après, en petite remarque (parce-que j'aime bien critiquer les gens quand même), je trouve que le passage entre le départ de Valérie (partie 3, scène 3) et la perte de contrôle de Paul, c'est-à-dire la "montée en puissance" des enfants est peut-être un peu rapide ? Bon je n'ai jamais était confrontée à une foule de gamins surexcités du coup, ça peu vraiment partir en cacahuète en deux minutes comme ça ? Sinon j'aime beaucoup l'expression de l'omoplate grattable de l'intérieur ! | |
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| Sujet: Re: Les téléphiles | |
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