For the record: 175 mots.
D'abord, une analyse globale.
En règle générale, j'aime bien les textes courts parce qu'ils sont denses et percutants. Le tien est court mais manque de matière, et ce qu'il apporte reste flou. Avec une poignée de mots, tu essayes de planter un décors et de transmettre une ambiance. Là où tu fais fort, c'est que tu y arrives presque, avec moins de deux cent mots ! À mon avis, ce texte ne te rends pas honneur : je pense que tu nous montreras bientôt ce dont tu es vraiment capable. Mais ce texte ne me semble pas très abouti.
Maintenant, les détails.
Il y a une petite répétition de "reposer" malgré un bon champ lexical : dernier, souvenir, corps, cendres, entre ciel et terre, disparaître, tombes. Je trouve que c'est symptomatique de tout le texte : c'est un très bon premier jet, mais qui ne me semble pas très travaillé.
En terme de style, je relèves certains mots en trop. C'est une marotte que je vais agiter sous le nez de tout le monde jusqu'à la nausée, mais ça me semble important. Il y en a peu dans ton texte, mais sur moins de deux cent mots, ça compte beaucoup. Par exemple, "Non, mieux", "à nouveau", "rapidement", "certes". Pourtant tu nous proposes quelques excellentes lignes bien assénées :
"Le dernier des combattants reposait dans les souvenirs de celui qui l'avait vaincu, son corps un amas de cendres, quelque part entre ciel et terre."
D'ailleurs, je vais m'attarder un peu sur cette phrase, qui à mon sens est le bijou de ce bref texte. Elle a beaucoup d'impact mais elle est un peu longue, pourtant il lui faut tous ses morceaux : les souvenirs, le corps en cendre et le ciel-et-terre. Alors comment la ciseler encore un peu plus ? En pinaillant. "Le dernier des combattants" peut se raccourcir un tout petit peu sans perdre aucun sens, alors pourquoi s'en priver ? "Le dernier combattant..." Ensuite, "celui qui l'avait vaincu" utilise beaucoup de mots pour une idée simple. C'est le cas pour toutes les périphrases : parfois elles sont intéressantes quand elles évitent une répétition ou donne un éclairage particulier sur l'objet désigné. Mais en l'occurrence, elle sent la maladresse de l'idée mal travaillée. Un seul mot peut désigner "celui qui l'avait vaincu", mais il faut choisir lequel. Je vais donner quelques suggestions mais elles apportent des connotations très fortes qui n'appartiennent pas au texte original : son assassin, son adversaire, son bourreau. C'est le rôle du narrateur de choisir ces nuances pour peindre son ambiance. Là, tu as un point sur lequel gagner en densité à la fois en réduisant le nombre de mots et en plaçant un mot qui peut porter beaucoup plus de sens. (cf. le budget du texte...)
C'est peut-être de ce genre de connotations fortes et de détails dont manque ce texte pour, en une poignée de phrases, planter un décors et transmettre une ambiance. Penchons-nous sur la narration. (Transition !)
J'ai du relire plusieurs fois la deuxième phrase pour être sûr que j'avais bien compris. "Les pirates avaient été anéantis, leur ville sainte tapissée de bombes." Déjà, tu annonces juste avant, en dehors du texte (ce que je déconseille très fortement de faire), qu'il s'agit d'un univers de fantasy, et dès la deuxième phrase il y a ce "tapis de bombes", qui est une technologie et une expression très moderne. Bon, admettons que je prennes le texte pour ce qu'il est, indépendamment de la manière dont on me l'a vendu : je ne connais rien de l'univers et les premiers éléments sur lesquels je tombe sont ces pirates et leur ville sainte. "Pirates" est en premier ; immédiatement, je vais puiser dans l'imaginaire collectif et je réutilise le casting de "Pirates des Caraïbes". Juste après, je lis "ville sainte" et je me fabrique une version Seigneur-des-Anneaux du Vatican. Pirates, j'ai ; ville sainte, j'ai. Sauf qu'entre les deux, il y a "leur". Mon cerveau tente de faire le lien, et patatras. Je vous raconte tout ça, la Loulou et les loulous, et les autres perchés au fond, pour vous montrer qu'un texte, surtout un texte super-court, est une expérience. Et une expérience ne se produit pas juste avec de bons éléments, mais avec un agencement minutieux de ces éléments.
Tu nous donnes des pirates qui vivent dans une ville sainte. Si tu ne nous dis rien d'autre, la sauce ne prend pas. "Pourquoi ? Comment ? C'est dingue ! J'ai envie d'en savoir plus !" C'est une idée très originale, et c'est super, mais tu ne construit rien autour ni avec. Et il suffirait de quelque mots pour que la sauce prenne. Brièvement, on pourrait imaginer que ce sont des pirates "méchants" et que leurs dieux sont maléfiques et cruels, ou bien qu'ils se livrent à la piraterie comme un acte de foi, persuadés de faire le bien, comme Robin des Bois. Un mot pourrait nous orienter dans ta direction. Mais si tu nous poses ces deux éléments sans rien dire de plus, ça ne prends pas. C'est pareil pour l'Empire : déjà l'empereur, puis le vin des haut-gradés et la poudre à canon. J'imagine une armée napoléonienne, avec des uniformes colorés et des moustaches bien taillées. Mais ça reste trop peu d'indices, à mon sens. Je veux savoir à quoi ressemble ton Empire.
Comme je l'ai dit au début, on sent que tu as du talent. Avec quelques phrases, tu nous laisses deviner un univers très original et un style bien trempé, mais CE texte me semble trop peu travaillé. J'espère ne pas avoir été trop dur. J'espère aussi que tu prends ce commentaire avec toutes mes bonnes intentions. Je ne te juge pas, au contraire, je sens que tu peux faire mieux. J'ai hâte, réellement hâte, de lire tes autres productions et de voir ton talent à l’œuvre sur un projet plus travaillé.
Je te remercie beaucoup pour ta participation à ce Thème du Mois. C'est très courageux de ta part, d'autant plus qu'il s'agit de la toute première soumission au tout premier premier Thème de notre forum.
Bravo, et à très bientôt !